mercredi 16 janvier 2008

Verre et miroir

-- Salut! Comment ça va ce matin?

-- Comme tous les matins ma grande, je galère à me lever!!! Au fond du puits avec du plomb plein les coutures, ces flashs terribles qui me font grincer des dents et donner des coups au plafond; pas la force de soulever la couette, les deux plaids, les trois coussins sous lesquels je suis enterrée. Mes lunettes sont encore restées sur mon nez, j'ai mal et ça m'écorche la peau; je les arrache, les remets à tatons dans leur étui. Je tends la main pour choper mon portable et je m'éclate les doigts contre ma lampe et la canette qui traîne, je mords dans un coussin. Mes jambes se contractent, mon ventre se tord, j'ai des élancements dans les bras, le torse, je soupire et j'entends que ça commence à hurler dans le salon.

-- Ah, déjà?

-- Ouais. Pendant ce temps mon frère donne des coups dans ses murs et dans les meubles de la salle de bain, et après les voix se calment, les portes claquent et tout le monde s'est barré, enfin j'ouvre les yeux. Je me redresse, me laisse retomber mais je me casse le crâne contre le mur, alors pour finir le silence et le calme me gagnent et la tension me quitte, un peu; je soupire longuement. J'attrape mes affaires et j'envoie valser la couette et le reste, j'enjambe tout ça, et je tâche de descendre mes escaliers sans directement atteindre le sol en volant. Je titube un peu, je me tiens au mur et j'en profite pour foutre un coup à ce putain de portrait qui s'obstine à se décoller, l'adhésif double face c'est pourri, je grogne. Je pose portable Ipod canette, je garde mes lunettes, je chope un bouquin sur la pile; un coup d'oeil à mes dl pour constater une fois encore que la mule rame sévère. Je serre les dents et j'ouvre ma porte; tout le monde est effectivement parti, mais la lumière me donne envie de hurler, mal aux yeux. Le grand bordel quotidien commence.

-- Qu'est-ce que tu veux que je te dise, polypropylène, tu me déçois tellement! Tous les jours je t'observe et tu t'enfonces dans ce genre d'attitude scandaleuse. Je ne t'ai jamais aimée parce que t'es trop lente et tu manques de courage, mais en ce moment tu me fais carrément vomir -façon de parler. Qu'est-ce que tu fais? Tu te rappelles ton ancienne vie, c'est-à-dire l'époque où tu en avais réellement une? Quand tu faisais des choses toute la journée, quand tu te suffisais à toi même?

--J'ai l'impression d'avoir disparu, plusieurs fois; je crois qu'à une certaine époque justement tu n'existais pas, vieille glace, je me rappelle un peu cette sensation d'espoir étrange, cet enthousiasme.
Je me suis effacée il y a longtemps, quand tu es venue; une deuxième fois quand tu m'as tuée -comme dans ce roman stupide où le héros se retrouve prisonnier du miroir, et à la fin on croit qu'il s'en est sorti in extremis mais NON c'est le méchant double qui a pris la place du gentil, pour toujours. J'ai disparu une troisième fois il n'y a pas si longtemps; je ne sais pas exactement pourquoi.
Je me fous que tu me détestes parce que je n'ai plus besoin de ton approbation; tu es comme un reflet déformé de ma personne, juste les défauts doublés d'une haine sans pareille -tu ne vaux rien.
Si je me débarasse de toi, peut-être que je deviendrais une personne aimante et joyeuse.

-- Oh, spare me! You neurotic, tedious, self-absorbed bitch, when are you gonna grow up enough to admit you're wrong?

-- C'est pas la peine de puiser dans mes séries télés, sale connasse.

-- Tu sais qu'une de mes amies m'a parlé de faire une détox? J'ai pensé que tu te sentirais concern----

-- TA GUEULE !!!

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